Photo porno

Comment ai-je pu, en ces années de recherches de trucs photographiques plus ou moins marginaux, des concours photo payants qui donnent des médailles qui servent à avoir des diplômes pour payer grades complètement inutiles aux textes alambiqués bien nommés « bullshit photo », ne pas penser plus tôt à la partie la plus rentable, la plus prolixe et la plus créative de l’industrie de l’image qu’est la pornographie ?

J'ai pris le pari de nommer entièrement les sites dont je parle. Beaucoup ne le font pas, c'est une précaution de référencement Google semble ne pas forcément aimer - enfin c'est ce qu'ils disent mais ça leur apporte pas mal de trafic. Il est donc possible que cet article pourrisse mon référencement, on verra bien. 
Cet article ne contient AUCUNE photographie pornographique, et je n'explique rien en détail, vous pouvez le lire tranquillement chez vous ou au bureau. 


Actuellement, Xvideos.com est juste devant Amazon.com en nombre de visites mondiales, suivi par Pornhub.com et xnxx.com, (source : similarweb.com) et tous dépassent Netflix ou Reddit par exemple; en France Pornhub est juste derrière Instagram, et il n’a pas été rare que ce site de streaming porno dépasse Instagram. Et si les chiffres d’affaire que cette plateforme apporte à sa compagnie MindGeek reste secret, il y a fort à parier qu’avec ses 42 milliards de visites en 2019, ses 12.000 Go de vidéos transférés et ses 219.985 vidéos lancées chaque minute, ça soit (très) rentable (source : PCmag). Alors oui, l’image fixe l’est moins, je sais, mais quand même, l’industrie de l’image pornographique doit largement dépasser celle de la photographie de mariage. Vous en connaissez des photographes de mariage non ? Et des photographes porno ?

La photographie pornographique


Sur nos habituels Instagram et Twitter, censure oblige, ça ne court pas les rues, mais dans la vraie vie, y’a-t-il une niche quelque part, avec quelques artistes millionnaires qui sortent le Leica doré de la fourrure en vison, avant de cadrer en gros plans d’inlassables coïts dans d’immenses lofts secrets ?

Golden Leica Camera
Leica M10 doré : le kit idéal pour se lancer dans la photographie pornographique.

Rechercher la photographie pornographique

J’ai beau réfléchir, le seul photographe proche du milieu pornographique dont j’ai entendu parler est Larry Sultan dans The Valley, mais il ne fait pas de la Photographie Porno au sens littéral : son travail porte surtout sur les à-côté, les coulisses du monde des tournages pornographiques, tout au mieux les images sont « un peu suggestives » mais ne correspondent pas photographiquement parlant à ce que l’on pourrait voir dans une vidéo porno; c’est donc très intéressant mais hors sujet ici.

Larry Sultan – The Valley

Les recherches Google m’ont évidemment menées à plein de contenu vidéo contenant « Pornography » et « Photographer » mais, sans même avoir cliqué, j’ai aisément deviné que le rôle du photographe ici était le même que le poncif du plombier très musclé torse-nu sous sa salopette qui vient réparer la télévision chez une femme esseulée dont le mari est ailleurs. Fausse route.

La seule interview sérieuse que j’ai pu lire se trouve sur The Phoblographer : Luke explique sa démarche de photographe pornographique « féministe ». Oui, je mets des guillemets, sachant que l’article précise dès le titre que le contenu est NSFW, et qu’il précise aimer particulièrement photographier les femmes, j’ai comme un doute sur sa vision du féminisme. Alors que sa femme Miss Naughty réalise les films, il documente les rapports entre les actrices et les acteurs. C’est un projet mixte, ou caméra et appareil photo travaillent de concert, ils montrent la même chose différemment. Je vous laisse lire l’interview si cela vous intéresse, quelques images très soft s’y trouvent. Comme dans tout projet photographique, il y a des problématiques liées à la lumière ou à la compréhension du sujet : ici il évoque une séance BDSM, qui semblerait s’apparenter à du Face Trampling (marcher sur son partenaire) pratique qu’il ne connaissait pas; forcément il a eu du mal à trouver où faire la mise au point, avant de comprendre que le talon aiguille sur la peau était le point névralgique. Bref, c’est comme le reportage photographique : il faut travailler son sujet pour mieux en saisir l’essence.

Un métier rémunérateur

Les deux autres résultats un minimum pertinents de ma recherche m’ont mené sur le réseau social Reddit, et c’était plus concret. Trop concret.

L’un des résultats était une discussion entre un photographe porno et la communauté, ça évoquait les nécessités matérielles comme par exemple prévoir un objectif assez long pour ne pas être aspergé de fluides. Désolé pour ce détail un peu dégoutant, mais il semblait y avoir consensus à ce propos.

Tout l’intérêt que j’ai trouvé dans ces discussions se trouve autour de l’offre et de la demande, puisque ce photographe et un second parlent clairement du prix de leurs séances, et il faut admettre que oui, ça paye mieux que photographe de mariage.


Ce premier photographe, non avare de conseils techniques expose ses gains.

Il y a un écart certain entre les tournages et le budget des films, mais de ses autres messages j’ai cru comprendre qu’il est plutôt dans le milieu ou le haut de gamme de ce genre de prestations. Fait intéressant, pour les « content shoots » à 1200$/jour, c’est à la demande de l’actrice et c’est elle qui dirige la séance – les images sont parfois destinées à leurs propres sites. Il n’est qu’opérateur, et d’ailleurs ses premières prestations à 150$/jour il était souvent cantonné à photographier du même angle que la caméra. Ce boulot n’est peut-être pas pour vous si vous voulez être ultra créatif; après tout les actrices dans cet univers plus encore que dans le cinéma classique tiennent sûrement à garder un contrôle sur leur image.

Le second est payé 1500$ par jour de shooting, avec 8 à 10 décors différents, et réalise des portfolios pour escorts à 500$ la séance de deux heures. C’est quand même pas mal. Peut-être cet article lancera des reconversions de photographes macro ?

J’ai parlé plus haut de pratiques fétichistes, et c’est encore une fois une niche, ou devrais-je dire un multitude de niches puisqu’il existe des fétichismes d’a peu-près tout, des plus soft aux plus étranges – sans que je ne porte aucun jugement bien sûr, chacun est libre de disposer de son corps fort heureusement. Mais le propre du fétichisme étant de porter le désir sexuel sur une partie du corps ou un objet, c’est un peu sortir de la pornographie que de l’aborder dans ce chapitre.

La photographie érotique

Je vais donc consacrer un second chapitre à une photographie toute autre : la photographie érotique.

Cette définition de l’érotisme sur Wikipedia est extrêmement intéressante, puisque deux points seront objets des photographies :

  • « les phénomènes qui éveillent le désir sexuel » qui sont ici les différentes mises en scènes ou poses.
  • « les diverses représentations » qui peuvent être le ou les corps, ou tout objet de report du désir.

Les photographies érotiques peuvent se retrouver dans pas mal de styles courants : le portrait, le lifestyle, la photographie de rue – certains photographes en sont spécialistes, cherchez bien et vous verrez qu’ils ne photographies que des parties de corps laissant supposer un fétichisme probable – ou encore le style maître en la chose : la photographie de boudoir. Bien évidemment, à la différence de la photographie pornographique, elle est suggestive et non descriptive, donc je doute qu’il y ait de la macro-érotique.

La photographie de boudoir

Boudoirs, photographe inconnu

Un boudoir, c’est un petit salon et sans surprise, le mot « bouder », « se mettre à l’écart » en est à l’origine. C’est donc un petit salon où l’on se retire seul ou en petit comité, dans l’intimité.


La photographie de boudoir, au singulier, c’est la photographie de l’intime. Au pluriel, c’est la photographie de petits biscuits secs et croquants, de forme allongée et saupoudrés de sucre cristallisé.

Ce sont généralement des portraits posés, en studio ou tout au moins mis en scène, très majoritairement féminins et de qualité extrêmement variable : c’est clairement dans cette branche de la photographie que l’on peut trouver le pire, le plus mauvais goût, le plus mauvais éclairage, les mises en scènes et les poses les plus dévalorisantes. Par respect pour les modèles et les photographes, j’ai masqué les visages, mais voyez ce qui peut se trouver dans les tréfonds d’internet.

Source : groupe Facebook « Neurchi de photographes pétés »

Bon j’avoue avoir mis des photographies provenant de la source la moins objective, mais en cherchant sur Facebook « Photographie de Boudoir » vous pourrez voir vous-même qu’il y a de tout, le but théorique étant de réaliser un portrait intime dans le sens érotique du terme mettant en valeur la personne face à l’objectif. Voyez par vous-même, un exemple des premiers résultats que nous propose Facebook.

Voilà, il y a donc un « style photographique » porté sur une forme d’érotisme intime : le boudoir. Mais si celui-ci est réalisé par des photographes amateurs ou professionnels, qu’en est-il de la photographie érotique réalisée par ses propres sujets, pour sa propre diffusion, existe-t-il une forme vernaculaire de la photographie érotique ? Bien sûr que ça existe, accrochez vous. Accrochez vous bien, car nous entrons dans une sous-niche inexplorée de votre passion favorite. Nous arrivons dans le domaine de la spéléologie photographique.

La photographie érotique vernaculaire

Comme je l’ai dit, et comme vous le savez, les réseaux sociaux ne sont pas vraiment preneurs de contenu pornographique : rien qu’à voir Instagram qui bloque toute publication où une poitrine féminine serait trop visible à son goût, la pudeur américaine est encore maîtresse en ces réseaux pourtant mondiaux. Ainsi même en Europe, nombre de photographes doivent flouter un bout de téton pour ne pas être mis au ban de la plateforme. Je ne veux pas entrer dans le débat ici, et il n’y en a pas puisque nous serions probablement d’accord sur la sévérité abusive et très patriarcale de cette censure. Mais figurez-vous que sans ne rien montrer qui ne soit restreint par les règles d’utilisation, il existe une photographie fétichiste érotique portée sur tout et n’importe quoi, qui passe à travers tous les filtres censeurs.

Bien sûr, vous ne verrez que des parties de corps (autres que des seins, des fesses et des parties génitales) ou des objets de fétichismes. Pour vous, ce ne sont que des objets, mais pour les pratiquants, ils ont une valeur érotique. C’est intéressant, puisque le but de la photographie change en fonction du spectateur, qu’il connaisse ou non le fétichisme, qu’il y soit réceptif ou non modifie la façon dont il reçoit l’image.

Prenons par exemple l’image ci-dessous, dont j’ai flouté le visage de l’homme y figurant.

Il y a plusieurs lectures possibles, selon votre degré de connaissance :

  • C’est le portrait posé d’un homme en survêtement.
  • C’est une photo de kiffeur.

Et si vous avez eu la deuxième réponse, deux possibilités selon votre sensibilité :

  • C’est un kiffeur, et ça ne vous fait ni chaud ni froid.
  • C’est un kiffeur et vous aimez particulièrement ça : la photo prend, pour vous, un tournant érotique.

La sensibilité du spectateur de cette image en définit la portée érotique, intéressant non ?

Autre choses intéressante, pour laquelle je nomme ce type de photographie a possibilité érotique « vernaculaire » est qu’outre le but simple de partage au sein d’une communauté, c’est un vecteur de rencontres, en ligne ou dans le monde réel.

Vous ne saviez pas ce qu’est un kiffeur, très bien, cherchez le hashtag sur Instagram, le mot sur Google ou sur Youtube : vous verrez des centaines de milliers de réponses. Et ce fétichisme est pourtant une niche, pour trouver d’autres pratiquants, nulle meilleure solution que le partage de photographies.

Si vous tapez « ABDL » sur Instagram (là non plus je ne vous en direz pas plus, mais vous avez le droit de chercher) vous verrez plusieurs centaines de milliers de réponses : là encore la photographie est un énorme vecteur de partage, et finalement d’accès à un fantasme assez peu courant pour se dire qu’avant internet, ça devait être bien plus compliqué.

Je ne vais pas faire la liste de tous les fétichismes qui existent, pour beaucoup il faut fouiller un peu; mais vous devez croiser des gens, tous les jours, qui ont quelques symboles inconnus des non-initiés laissant entrevoir l’appartenance à une communauté spécifique. Ces gens sont libres d’être et de faire ce qu’ils veulent, et c’est très bien comme ça, mais je trouve intéressant que la photographie, d’une manière, participe à tout cela. C’est sans grande surprise que je n’ai trouvé aucune photographie pornographique que je pourrais qualifier de « vernaculaire », mais la concurrence des nombreux sites vidéo de l’industrie doit être trop féroce et je ne sais pas quelle utilité première elle pourrait avoir.

Conclusion

Voici pour ce tour de la photographie pornographique, un peu mystérieuse et dont les témoignages sont rares, et ce petit panorama de la photographie érotique, bien plus présente qu’il n’y paraît et dans une forme moins visible qu’attendu. Bon début d’année à toutes et à tous, promis j’ai d’autres articles qui arrivent, et j’essayerai d’être plus efficace.

5 commentaires

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Salut Richie,
Intéressant ton article, une piste à creuser pour une thèse en sociologie ou histoire de la photo, bon sujet. Si je crois cela c’est parce que je suis abonnée à la news letter de L’oeil de la photographie depuis quelques années et j’ai constaté ces deux dernières années, que le magazine publiait régulièrement des photographies de femmes et quelques hommes que je qualifierais d’érotiques. Rare sont les semaines où il n’en passe pas et je me posais la question du marcher de ce type d’images et est-ce que le magazine a constaté une augmentation des abonnements suite à ces publications? (la news letter n’offre que quelques images visibles, le reste du contenu étant réservé aux abonné-e-s). Bref, avant ça se vendait sous le manteau, ces images se monnayent toujours, autre temps mêmes moeurs.

Hello
C’est une bonne question, je regarderai à l’occasion si le sujet a été traité dans des études universitaires; j’avoue que je n’ai pas cherché de ce côté là mais peut-être qu’une recherche en anglais donnerait des résultats (en français je pense que je serais tombé dessus).
Sous le manteau, je ne sais pas si c’est encore le cas ça doit encore être confidentiel.

salut Richie,

Ben voilà, je t’envoie la fournée du jour, je n’ai pas de problème avec ces photos, tout est question de consentement bien sur et pour le reste, je ne cherche pas, ça ne m’intéresse pas.
https://loeildelaphotographie.com/fr/galerie-xii-l-a-vous-devriez-voir-ca/?utm_source=Liste+ODLP+nouvelle+version&utm_campaign=1a186d3248-Edition+du+11+janvier+2023&utm_medium=email&utm_term=0_-1a186d3248-%5BLIST_EMAIL_ID%5D&ct=t%28Newsletter+FR+01112023%29

bonne soirée

Salut Richie, « sous le manteau » c’était au XIX° aujourd’hui ça fait partie du quotidien, le marcher de la photo érotique et pornographique n’a pas cessé et ce n’est pas un problème. Ce qui pose question c’est l’utilisation de ces images pour appâter des abonné-e-s payants sur des sites qui veulent se distinguer dans la photographie dite artistique comme L’oeil de la photographique dont le directeur est Jean-Jacques Naudet qui fut le directeur du magazine Photo dans lequel il publia notamment et abondamment un certain David Hamilton. Alors encore une fois pas de problème pour moi de ce côté là. Juste je voulais signaler ces publications comme toujours très vendeuses. Oui c’est un marcher et les photographes que s’y collent gagnent de belles sommes surtout quand ils/elles sont adoubé-e-s par des magazines qui ont pignon sur rue. Côté nu et photographie d’art, voir le travail de Florence Chevalier. Bonne fin de semaine.

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