La photo de rue, images uniques ou séries ?
Si le terme « photo de rue » est très vague, c’est bien parce qu’il y a tout un tas de courants, de possibilités et de champs possibles à explorer et que certaines pratiques ont des limites. Il arrive de se lasser, de ne plus savoir trop quoi faire et d’avoir l’impression que c’est une rengaine répétitive que de photographier cette silhouette qui passe derrière une porte en clair-obscur ou ce passage piéton en contre-plongée où fourmillent des parapluies colorés.
Qu’est ce qui a pu déclencher chez moi cette vision de lassitude de certaines choses ? C’est un séjour à Londres début juillet, et la préparation même à ce séjour qui m’amènent à écrire ce billet. Habituellement, je pars avec une idée en tête, un minimum, de ce que je ferais. Là c’était le néant, et pour cause, des photos de rue à Londres il y en a des millions, et si visuellement le résultat est là, beaucoup représentent bien la ville : c’est joli m’ai j’ai l’impression de voir des coquilles vides.
Un peu comme ces magnifiques pubs où il n’y a guère plus que des touristes, et dont je n’arrive pas à saisir l’âme du lieu.
Essai Londonien
« Supérette » ou « Vision of British middle class neighbourhoods »
A regarder ce que proposent les réseaux sociaux sur la photographie de rue à Londres, j’y trouve une forme de répétition qui me dérange un peu : le combo bus rouge-cabine téléphonique rouge pour bien rappeler qu’on est à Londres et pas à Dallas, un tas astronomique de chapeaux et de parapluies, et de photos de vitres et à travers des vitres pluvieuses ou embuées avec parfois un ou deux néons pour enrichir l’atmosphère nocturne. Ce ne sont pas des photos moches, ce ne sont pas de mauvais photographes, sans doute sont-ils meilleurs que moi d’ailleurs, mais ils veulent en arriver où ?
J’ai d’abord eu l’envie de prendre tout ce qui est de plus cliché à Londres et faire une série qui mélangerait ces mêmes bus, des fleurs, des jardins, des gardes du palais, des vieux bien habillés qui boivent du thé, un pub, de la malbouffe et une cabine téléphonique, mais j’ai vite changé d’avis devant la vacuité de l’exercice.
« Jambes de gens en uniforme d’étudiants » ou « Spirit of London student life »
C’est là toute la difficulté de réussir à faire des images indépendantes qui fonctionnent, et ne pas travailler en série. Une série est un tas de briques, les images se portent entre elles, et la disposition permet de guider le spectateur, l’image unique est plus difficile à appréhender.
Tout fait-il sens ? Bien sûr il est possible de regrouper des photographies uniques de chapeaux et de parapluies et d’en extraire un sens. « Je sublime les détails de la ville et en capture son esprit« . Bullshit. Ca fonctionne aussi bien que « Je m’intéresse à la météorologie et la sous-entend dans ma photo urbaine pleine de buée, de gouttelettes et de parapluies« . Mais de toute bonne foi, c’est peut-être joli et bien foutu, mais est-ce plus intéressant qu’un paysage au coucher de soleil ?
J’ai finalement opté pour faire du portrait de rue à la volée, exercice que j’aime bien mais qui demande une masse d’images considérable, donc j’ai lourdement mitraillé les passantes et passants qui m’attiraient l’œil afin de cumuler ces portraits à ceux que j’ai déjà, j’en ferais bien quelque chose un jour; c’est par manque d’idée que j’ai fait ça plutôt qu’autre chose.
Le C G Am F en photo
Parlons de musique et faisons une petite analogie : imaginons qu’un tube est une photo unique, et qu’un album est une série. Savez-vous quel est le lien entre Con te Partiro d’Andréa Bocelli, Torn (reprise par) Nathalie Imbruglia, Don’t stop believin’ de Journey, Aïcha de Khaled, It’s my life de Bon Jovi, So lonely de The Police, Africa de Toto, Cendrillon de Téléphone, Une seule vie de Gérald de Palmas, Barbie Girl de Aqua, Save Tonight d’Eagle Eye Cherry, Waka waka de Shakira, Quelqu’un m’a dit de Carla Bruni, Elle m’a dit de Cali, Une dernière danse de Kyo, Jeune et con de Saez ? Ces chansons sont écrites sur la même suite de quatre accords. Do, Sol Lam et Fa pour les français, soit C G Am F pour les autres. On peut chanter n’importe laquelle sur n’importe quelle autre. Et croyez pas, même les Red Hot Chili Peppers font pareil. Oui, John Frusciante a fait du Do Sol La mineur Fa sur Californication. Et Lemmy sur Killed by Death.
D’ailleurs je vous partage ici l’excellente vidéo des australiens d’Axis of Awesome, qui compilent quasiment 50 chansons basées sur ces accords en moins de six minutes.
Ça plaît à l’oreille, du coup ça marche plutôt bien, mais l’intérêt est limité. Bien sûr que ce ne sont pas de mauvaises chansons, surtout Killed by Death dont je vous conseille la lecture du texte et du clip pour vous rendre compte de la sensibilité artistique de Lemmy, mais c’est un autre sujet
Les tubes, c’est un peu comme la photographie de rue unique comme on en rencontre beaucoup sur internet. Prenons pour exemple le « Flying Hat » de Craig Whitehead alias Sixstreetunder sur les réseaux, où l’on voit un chapeau du style panama semblant voler grâce a un subtil jeu de contrastes : la photo est vraiment bien foutue, j’imagine bien le talent et la patience qu’il faut pour le saisir, le rendu est plaisant. Mais je n’arrive pas à voir plus loin et si je la retiens c’est pour sa technicité, et rien d’autre.
Les photos qu’il publie sont très bien faites, mais je leur trouve une prédominance de la forme sur le fond, et les sujets en deviennent répétitifs. Loin de moi l’idée de le critiquer gratuitement, mais j’aimerais en voir plus.
On pourra bien sûr me rétorquer l’abstraction, mais alors quel besoin d’aller dans la rue pour faire ça ? Il aurait pu faire ça bien plus simplement en studio – et là encore c’est une démarche qui se respecterait.
Pour faire simple, en musique, la créativité à des limites finies que la photographie n’a pas : on peut y choisir des instruments, des notes, et un tempo. Certes cela donne des milliards de milliards de possibilités, mais si le tempo est bridé par exemple à 300 bpm sur heure de temps, alors il y a un fin possible.
En photographie de rue, à part l’ouverture et le temps de pose, les sujets sont infinis. Alors pourquoi rester à photographier des chapeaux et des silhouettes et ne pas aller voir ailleurs ?
Et dans les autres disciplines photographiques, qu’en est-il ?
Si je prends Craig Whitehead avec des pincettes tant son travail reste qualitatif, je serais bien moins transigeant avec d’autres photographes; je ne vais pas les nommer ils se reconnaîtront sans doute, tout comme je me serais reconnu il y a quelques années, en râlant et en me cherchant des excuses probablement.
Vous connaissez sans doute les « galeries » « Yellowkorner » ? (oui j’suis obligé de mettre des guillemets partout). Ces boutiques où vous pouvez acheter à un prix parfois conséquent des photographies un peu trop « parfaites » sur cadre alu. On est souvent dans le consensuel-décoratif, c’est pas mal en soit et je ne critique aucunement les photographes qui sont derrière ces clichés, même pour beaucoup je trouve leur travail impersonnel.
Si je ne mets pas en cause les photographes, qui ont l’air de faire tellement la même chose que sans leurs noms j’aurais pensé que c’en était un seul, c’est qu’ils ne sont pas à l’origine de la chose : on doit leur demander quelques photos et un curateur-yellowkorner doit faire le tri, j’imagine. Et encore une fois, lui fait ce qu’on lui demande, leur but est plus de vendre des tableaux que de découvrir des artistes, et ils vendent ce qui plaît au client : c’est du commerce d’art décoratif.
Si j’ai un reproche à faire, c’est à la tonne de photographes qui veulent faire la même chose, se prendre la tête à copier un truc qui existe déjà et que des clients veulent pour faire beau dans le couloir ou dans le salon c’est un but ? Il y en a plein les chaînes de conseils de retouche sur youtube (mais PLEIN, réellement), et tous se gargarisent devant tel ou tel réglage standard à la 500px et tel coucher de soleil / plan en contre-plongée de buildings qui forment un carré / paysage de skyline américaine. Allez voir sur le site ce qu’ils vendent, allez voir les photos présentées dans les « conseils lightroom » sur Youtube et vous comprendrez cette contagion qui aplanit les images. C’est comme devenir ébéniste et essayer de refaire une chaise SKRDTMATN de chez Ikéa. Et qu’on me sorte par les excuses « oui mais ça fait plaisir » « oui mais c’est sublimer ceci ou cela » ou autre billevesée. Non, ça ne fait pas plaisir de chercher à copier, non ça ne sublime rien que de prendre un appareil à 1500 euros pour plagier une photo à 95 euros sur cadre alu limitée à 5000 exemplaires dans le monde. (ahah, « limité » et « 5000 exemplaires » c’est d’un comique ça, mais c’est pas le débat.)
D’ailleurs une photo n’est pas là pour « sublimer » ou autre adjectif miévreux, tout le monde s’en fout, c’est pas un projet de dire que l’on « cherche du beau » ou à « exprimer la beauté » de ceci ou cela – ça n’a aucun sens.
Les séries contre l’ennui
A chercher des images uniques, le risque est plus grand de tomber dans l’esthétisme dénué de sens puis de s’en lasser. C’est d’ailleurs ce que certains reprochent aux « projets 365 » ou autres du même acabit. Outre le jeu, il y a un résultat un peu aléatoire et productiviste qui peut friser l’absurde.
Avant d’aller à Londres, j’ai choisi quelques sujets qui me tiennent à cœur pour travailler dessus. Dans l’idéal, il vaut mieux éviter les choses trop inaccessibles : faire un projet sur l’architecture des stations balnéaires chiliennes quand on habite à Odessa c’est pas la meilleure idée, il vaut mieux viser le proche.
Série ouverte
Me concernant, c’est une série sur les « bars qui vont bientôt fermer » que j’ai entamée. Pourquoi ? Parce que dans dix ans, quand ils auront été remplacés par des starbucks et serviront du café-latté-équitable-éthique-d’un-petit-producteur-bio-super-sympa-sur-des-tables-en-bois, j’aurais une trace de leur passage et de leurs dernières heures.
Le premier avantage c’est que le temps est mieux investi si le sujet est à portée de jambes, et s’il est transposable ailleurs alors poursuivre son projet à l’étranger ou dans une autre région est tout à fait possible. Mon sujet est transportable, il existe ce genre de troquets sur la terre entière, génial !
Le second avantage c’est que les recherches sont plus efficaces lorsque l’on travaille près de chez soi. Ainsi je peux demander autour de moi si mes connaissances connaissent un lieu qui pourrait correspondre à ma série, ce qui me fait gagner énormément de temps.
Ci-dessus une sorte de planche-contact Lightroom qui résume l’évolution de la démarche. Les trois cafés du haut montrent ma première étape : prendre les façades de cafés, ouverts ou fermés, de face. Après avoir fait ça pas mal de temps, j’ai trouvé qu’il manquait un peu de vie, et j’ai préféré les prendre de nuit et voir les intérieurs et les clients, un peu à la manière d’un tableau. Pour la forme, j’ai gardé la même : de face et le plus proprement. Ce sont les trois photos du milieu.
Dernièrement je me suis dit que c’était quand même dommage de ne pas être plus proche et de ne pas voir l’intérieur, car l’intérieur et parfois un détail peuvent en dire beaucoup sur l’ambiance qui règne, et laisser à l’imagination le soin de recréer le passé des lieux. Donc maintenant je photographie l’intérieur des cafés. Ces trois dernières photos sont à l’image de mon projet actuel, très loin d’être fini si un jour il l’est; et quand bien même j’ai changé mon point de vue je ne m’interdis jamais de prendre les façades et de retourner à ma première démarche.
C’est ce que j’appelle une série ouverte puisque je peux la pratiquer n’importe où tant qu’il y a un café, un rade, un troquet, un bistrot avec des gens dedans, et je n’ai aucune limite de temps si ce n’est le monopole à venir de Starbucks et l’uniformisation des lieux. L’autre avantage d’une série « ouverte » est que vous pouvez l’arrêter, la reprendre deux ans après et si à votre retraite vous présentez le projet, personne ne saura qu’il y a eu un trou dans l’espace-temps.
Série fermée
A l’inverse des séries « ouvertes », ce que j’appellerais une « série fermée » est contrainte par un lieu ou une durée. Cela pourrait s’approcher du reportage sur la forme puisque la thématique est plus cernée, mais la démarche n’est pas uniquement documentaire.
Pour ma part j’ai choisi de photographier la vie dans les hypermarchés du Nord. C’est pas hyper sexy dit comme ça, mais trop peu de photographes s’y intéressent alors que ces lieux reflètent fidèlement notre époque. Je n’ai pas trouvé d’intérêt à photographier les supermarchés d’ailleurs, puisqu’en mélangeant ceux du Nord avec ceux de Tokyo ça perd vite son but qui est de documenter des gens d’un lieu précis.
Là encore le travail est loin d’être fini, il me faut bien plus d’images avant de commencer l’édition mais je vous mets quelques images ci-dessous afin d’illustrer mon article.
Il me faut encore pas mal de matière avant d’en faire quelque chose, sachant que je peux à l’édition lui donner beaucoup de sens différents, que je joue avec les graphismes qu’offrent les supermarchés, que je montre la surconsommation ou encore la difficulté de ne pas porter un jugement sur ce que les gens achètent.
C’est la raison pour laquelle je promeus les séries plutôt que l’image unique, j’ai réellement plus à dire que « Instantané d’un moment d’amour* » en prenant un couple qui s’embrasse. Et ce même si j’en colle plein les uns à côté des autres, c’est amusant mais ça reste limité.
« Les gens des buttes » de Gilles Vaugeois, photographe de rue
Intéressons à nous au projet « Les gens des Buttes » de Gilles Vaugeois. Je considère cela comme un projet « fermé » et pour cause, toutes les photos ont été prises dans le Parc des Buttes Chaumont, dans le 19ème arrondissement de Paris.
Quel avantage à faire une série dans un lieu restreint, tel qu’un parc, plutôt que de travailler en images indépendantes que tu peux faire n’importe où ?
Cela fait une dizaine d’années que je fais de la photo de rue et cela fait à peu près autant que je vis dans le 19ème arrondissement de Paris à quelques pas du parc des Buttes Chaumont. Très naturellement j’ai fait communiquer ces deux plaisirs : la balade quasi quotidienne dans la quiétude du parc et la photographie. Un des gros avantages que je vois a évoluer dans un lieu fermé c’est justement qu’il m’est plus facile d’oublier le lieu pour me concentrer sur les moments de vie que j’y capte au hasard de mes pérégrinations !
Les Amoureux des Buttes, Gilles Vaugeois
As-tu commencé par photographier les gens avant de te contraindre à n’utiliser que ce parc comme terrain de pratique, ou a l’inverse as tu commencé par photographier le parc avant de préciser ta vision sur les gens qui l’occupent ?
Au départ il y a surtout des instantanés sans photo. Ce parc m’évoque le romantisme du 19ème siècle, les poèmes de Lamartine dont on nous faisait réciter des extraits à l’école primaire, un morceau de douceur dans la ville. Et avant d’y faire des photos je m’y suis beaucoup promené, à observer les lieux et les gens qui les occupent. On remarque très vite les habitués sans même se rendre compte qu’on en fait aussi partie. Et puis j’ai commencé à y promener mon appareil, pour photographier les gens, et avec le temps c’est devenu un moyen de stocker mes souvenirs personnels, intimes même parfois, en les cachant dans des photos qui représentent des scènes qui m’apaisent ou m’amusent.
Penses tu pouvoir mêler cette série à d’autres photos prises dans d’autres parcs ou cela dénaturerait ta démarche ?
Si j’aime beaucoup photographier dans les parcs, il n’y a que deux lieux dont je réfléchis à mêler les photos à celles des Buttes. Le premier est parisien, c’est le jardin du Palais Royal. Parce que j’y retrouve le même sentiment de quiétude, la même douceur de ville ; l’autre c’est mon coin de campagne près de Chablis pour une toute autre raison : le parc des Buttes Chaumont fait partie des grands travaux d’Haussmann au 19ème siècle, et il se trouve qu’avant d’être préfet de la Seine le baron était préfet de l’Yonne. Et puis mon chien s’appelle Haussmann, il y a un sujet ! Blague a part, j’envisage de croiser le regard des buttes, et le projet va se préciser au mois d’août !
Je retiens trois éléments particulièrement importants dans ce que dit Gilles :
La proximité du lieu lui permet de s’y rendre régulièrement, même sans y faire de photographies.
Réussir à s’imprégner de l’esprit du lieu (ici l’ambiance du Parc, son rythme) permet de ne plus y prêter attention et de remarquer très rapidement ce qui sort de l’ordinaire, ou a l’inverse ce qui est du plus ordinaire dans ce lieu. Et là c’est intéressant, car je sais que certains photographes de rue cherchent « l’extraordinaire » – ça a été mon cas – alors que l’ordinaire est un sujet des plus passionnants. Et pas forcément plus facile à faire figurer dans une série.
Le dernier élément est qu’il envisage peut être de croiser son projet « fermé » avec d’autres choses : le premier projet devient la pierre angulaire d’un ensemble et peut le mener ailleurs, charge à lui ensuite de guider le spectateur grâce à l’édition de son travail.
Chez les photographes célèbres
On retrouve cette mécanique de séries « ouvertes » ou « fermées » chez des photographes un peu plus connus que Gilles ou moi-même que vous connaissez sûrement : Joël Meyerowitz a travaillé dans la rue de New York en gardant l’Empire State Building en toile de fond dans sa série « Empire State » en 1978, Bruce Gilden prend les portraits de femmes travaillant dans les casinos de Las Vegas dans sa série « Women Casino Workers » actuellement.
Ici vous avez bien compris que ce sont des séries « fermées »; la photographe belge Bieke Depoorter s’est attachée à l’intérieur d’habitations Russes sur la route du Transsibérien dans son projet « Ou Menya », il lui serait possible de faire la même chose ailleurs et de fondre les projets entre eux. (ah, et foncez voir ce qu’elle fait, ça vaut le détour)
En revanche, « Life’s a beach » de Martin Parr est un projet totalement ouvert, il peut aller sur n’importe quelle plage du monde pour continuer, il peut mêler des photographies actuelles ou anciennes sans que cela ne soit gênant.
Même prendre toutes grandes villes en pose longue au coucher de soleil et traiter ceci en HDR, comme le fait Serge Ramelli est un projet ouvert, c’est dire si tout rentre dedans.
Conclusion
Voici ou je veux en venir, j’espère que vous avez suivi : il est bien plus difficile de construire un travail cohérent en ne cherchant que les images uniques, qui peuvent se montrer rares dans la vie de tous les jours, ou vite tourner en rond et devenir lassantes à faire ou à regarder.
Un projet plus construit sert de guide tant lors de la recherche que lors de la prise de vue et de l’édition, et par chance c’est très souvent faisable à quelques minutes à pieds de chez soi, et même en faisant ses courses.
Gardez à l’esprit que si vous aimez photographier un sujet particulier indépendamment d’un lieu précis, une série ouverte est faite pour vous. Mais il n’y a pas concurrence entre tout cela, et bien sûr vous pouvez toujours capturer des images uniques mais tâchez de les rassembler un jour voir s’il n’y a pas un fil conducteur qui serait la graine d’un projet à part entière.
Merci à Gilles Vaugeois pour ses réponses, je vous invite à suivre son travail par exemple sur son profil instagram, et sur son site Les gens des Buttes.
Je vous invite aussi à regarder ce que fait Craig Whitehead, qui est très actif sur les réseaux.
Les photos de cet article sont de : Craig Whitehead pour le chapeau, Gilles Vaugeois pour « Les gens des Buttes », Jorge de la Torriente, Richard Hirst, Tuul et Bruno Morandi pour l’illustration de YellowKorner, Bieke Depoorter pour l’intérieur d’une maison, moi-même pour le reste.
* Littéralement une série de gens qui s’embrassent, je commence à en avoir pas mal mais ce n’est que de la photo « au vol » donc ça n’a vocation à rien devenir du tout.
10 commentaires
Ajouter les vôtresTrès bonne analyse pratique ! Je retiens la qualification ouverte ou fermée d’une série et la porosité entre le deux 😉
Merci, en fait la qualification n’est qu’un simple outil afin de s’imaginer les possibilités de porter une série ailleurs ou non, et si le cas est non, de se concentrer sur l’essentiel. Merci du passage !
Pour Frusciante et les fameux accords : En fait il les utilise, mais tu ne peux pas lui reprocher. La chanson est en do majeur, donc il utilise les accords de la gamme. ça c’est normal.
Le problème ce n’est pas d’utiliser ces accords là, c’est d’utiliser cette progression là : VI – IV – I – V.
C’est ça qui est utilisé jusqu’à la moelle. Et elle n’est pas dans Californication.
T’as un pré refrain Am > F (VI – IV).
Et le refrain c’est : C – G – Dm – Am (donc I – V – II – VI).
Voilà voilà.
Pour le reste, sans surprise, je partage ton avis 🙂
Oui, effectivement, c’est la progression qui est mise en exergue dans mes exemples la suite d’accords, que l’on retrouve dans le couplet de Under the Bridge. Néanmoins j’avoue être un peu taquin, car bien sûr les Red Hot ne se limitent pas à ça, à l’inverse de tous les autres exemples cités qui tournent bien plus en rond.
Ca vaut bien une petite vidéo sur you tube ça….
J’attends un peu pour les vidéos plus sérieuses !
Bonjour Richie,
D’abord merci pour ton excellent article. Je dois dire qu’il m’a aidé à comprendre ce qui me bloquait/attirait dans le travail de certains photographes de rue !
.
il y a peu je postais sur un Discord (dont je tairais le nom ici ;-)) un message évoquant le travail de Joshua K Jackson qui m’avait emballé. Il y avait certes une impression de déjà-vu (l’influence de Saul Leiter notamment pr ne citer que lui) mais ses photos étaient, esthétiquement parlant, de la pure friandise à mes yeux ! Les couleurs chatoyantes, les effets visuels (pluie sur vitre,…), tout y était et pourtant je m’en suis vite lassé!
Après avoir lu ton article (ainsi que ceux de Thomas H, Laurent B traitant de la même thématique) je comprends mieux pourquoi. Il n’y a en fait pas vraiment de propos derrière toutes ces « belles » images. Elles sont très bien réalisées certes (la « recette a bien fonctionnée ») mais on les oubliera vite. N’est pas Saul Leiter qui veut après tout ;-)!!
D’où l’importance de travailler en série. Perso, je trouve que cela permet d’améliorer sa pratique et vu que cela demande un autre investissement (en temps notamment et une certaine « culture photographique »), on y gagne aussi en profondeur au niveau du travail photographique que l’on produit!
Merci à toi (à vous) pour les réflexions et au plaisir de lire ton avis sur le travail de Joshua (si tu décides d’y jeter un oeil :-))
Salut ! Effectivement, je connais le travail de Joshua, et loin de moi envie de le critiquer facilement. Il est très cohérent visuellement, il est graphique, ses photos sont reconnaissables, mais je trouve que sur la longueur c’est un peu lassant, comme tu dis c’est une formule qui est un peu trop répétée à mon goût, et dorénavant je préfère largement voir un sujet qu’uniquement un résultat. Pour comparaison avec la musique, je préfère un morceau mélodique, avec des paroles « intéressantes », bien rythmé et recherché mais avec un son pas terrible que l’inverse.
Bonne soirée.
R
[…] sur Twitter. Non par ses photographies mais par ses articles de blog, et notamment celui-ci sur la photographie de rue. Son ton très franc, sans langue de bois m'a immédiatement séduite et assurément son […]
J’ abhorre également cette mode, sinon manie devenue récurrente, de la série. Sous ce prétexte on se permet d’ empiler des poncifs in bitables qui ne tiennent (qui plus est tellement mal) que parce que chaque photo est la béquille de la précédente ou de la suivante. Dans une grande majorité des cas on se trouve en plus en présence d’ une suite sans queue ni tête, les auteurs oubliant qu’ on ne parcours physiquement pas un livre-photo comme un ouvrage littéraire.
Aucun avenir à cette nouvelle bêtise censée expliciter pourquoi les nouveaux talents vaudraient mieux que les anciens. Je serais bien étonné si l’ on demandait à R. Frank si ses « Americans » était une série, ou à H.C-B. si ses » Images à la sauvette » en était également…ce que l’ un et l’ autre répondrait.