Drunk photography !
« Le meilleur appareil photo, c’est celui que l’on a toujours sur soi » peut-on lire souvent sur les forums ou autres; on comprendra bien sûr que cela ne signifie pas qu’un Nikon D5 est techniquement moins bon qu’un Lexibook Soy Luna, mais qu’un Lexibook Soy Luna toujours sur soi, ça peut aider car ça tient dans la poche tandis qu’un Nikon D5 tient dans un gros sac lourd et souvent plein d’objectifs lourds parce que ça va bien ensemble.Mais peu importe l’appareil photo en question, si vous en avez toujours un sur vous, je dis bien toujours, alors il est fort possible pour peu que vous consommiez les fruits de la vigne ou du houblon de temps à autre que vous ayez eu l’excellente idée de dégainer votre boîtier alors qu’il était déjà difficile de tenir debout.
Guinness vs Voie Lactée
Il est un domaine où d’aucuns penseraient que l’influence du malt et de l’orge sous leurs formes liquides serait négligeable : l’astrophotographie.
Saviez-vous que l’Irlande est une réserve de nuit noire en Europe ? Cela signifie qu’à certains endroits la pollution lumineuse est minime ou absente, et permet d’observer un magnifique ciel étoilé sans la lueur d’horizon orangeâtre dégueue que l’on doit subir un peu partout en France – mis à part Paris où l’on observe juste la lumière orangeâtre dégueue et parfois la lune à travers.
Les connaisseurs se diront qu’avec un trépied, tout est faisable même après disons, neuf pintes de Guinness – je parle en connaissance de cause ces neuf pintes ayant été le début du problème. Alors le souci majeur en Irlande, c’est que les pubs ouvrent avant que la nuit ne tombe. Du coup, on va dans les pubs, et vu qu’ils sont vraiment biens, on y reste, on écoute les gens qui jouent de la musique, et à minuit quand ça ferme on prend le trépied et l’appareil pour marcher jusqu’au spot repéré la veille à 1km de là.
La première difficulté est la distance, parce qu’un kilomètre sur Google maps, et un kilomètre après 9 pintes de Guinness et 3 Bushmills, c’est ni la même distance ni la même durée. Et plus on est nombreux plus c’est long, parce qu’on chante « Dirty Old Town » en criant, qu’on trouve des trucs à faire en chemin, qu’il y en a toujours un qui vérifierait s’il n’y a pas un kébab ou une pizza au coin de la rue, et finalement on arrive à 01h30 sur « LE » spot.
Les étoiles brillent et il y a pas de nuages, ce qui est assez miraculeux. Je vous passe l’installation du trépied et la mise au point à vérifier 8 fois parce qu’elle est toujours mauvaise. Et là on règle l’appareil : 400 ISO, 10 secondes, f/11. Ceux qui pratiquent le savent, ce réglage ne donnera rien du tout à part du noir avec deux ou trois points dessus.
Les réglages courants pour ce type d’image sont plutôt ouverture maximum, temps de pause plus long selon l’objectif mais au moins 20 sec avec le mien, et ISO 1600 au minimum. Mon raisonnement était le suivant : « mais bien sûr ! à f/11 j’aurais un meilleur piqué j’suis trop bête j’aurais dû y penser avant ! Puis à 400 ISO j’aurais quasiment pas de bruit ! ».
En voyant le résultat sur l’écran, j’ai aussi pu expliquer à mes acolytes qui ne voyaient rien que Lightroom était miraculeux, et qu’on verrait sûrement la Voie Lactée après développement.
Après trois séances en une semaine, avec à chaque fois le même raisonnement après les mêmes pintes de Guinness ou verres de Green Spot, le résultat tombe lors du développement : on ne voit pas une étoile et encore moins la voie lactée.
Bon, c’est pas dramatique, j’aurais juste pas eu mes 3000 likes sur 500PX mais j’ai cette histoire à raconter et finalement le souvenir de ces promenades nocturnes au son des mandolines et des chants Irlandais me plaît d’avantage.
Jameson vs photo culinaire
Vous sortez du bar, il est 3h du matin, quoi de plus naturel que d’aller s’envoyer de la pizza ou un bon burger avant d’aller dormir ? Titubant, vous scrutez affamé les enseignes lumineuses et là, à quelques mètres vous pouvez lire « Cheesy Pizza – Best Pizza in Town » . Le coup de bol du siècle : la meilleure pizzeria de NYC se trouve devant vous, ouverte à 3h15, et en plus il n’y a pas grand monde.
Vous entrez, ça sent bon le fromage fondu et l’ail en poudre, vous commandez et quand les parts arrivent c’est un arrosage infini d’ail – que vous prenez malencontreusement pour du parmesan – et d’huile pimentée. Ça dégouline un peu et .. et merde il faut prendre cette pizza en photo, rendre honneur à LA meilleure pizza de la ville.
Excellente idée, dégainer l’appareil pour faire de la photo culinaire.
Autant ne pas trop espérer, j’ai déjà tenté des dizaines de fois, la photo culinaire dans un restaurant en fin de nuit, c’est vraiment à proscrire. La lumière est moche, et ce ne sont pas les restaurants qui offrent les meilleures présentations à leurs plats, donc le rendu est quasiment assuré d’être dégoûtant. Et pourtant la pizza était excellente – mon sens critique était peut-être altéré au demeurant.
Cocktails vs corporate
L’un des dangers de sortir son appareil pour photographier ce que l’on mange ou boit, en plus de celui de manger froid ou de boire tiède, c’est de se faire « recruter » par le personnel pour une session photo, surtout après deux gros cocktails.
« Ah mais vous prenez des photos ? Vous voulez bien en faire quelques unes de nous et nous les envoyer par mail ensuite ? Vous buvez quoi ? » Bon, ben faites ce qui vous fait plaisir, c’est parti. Des cocktails, des verres, plein de bokeh, étant seul dans le bar je me fais plaisir.
Tout est dans la boîte, on discute une petite heure. Lorsque l’heure du développement arrive, la moitié des photos est catastrophique. Entre les mises au point et les flous, je peux en sauver cinq ou six.
Autant vous dire que là ça m’a servi de leçon, heureusement qu’il y en avait quelques unes potables parce que j’ai eu honte d’avoir été aussi mauvais. Vaut mieux éviter les commandes dans ce genre de cas, même si le cocktail qu’ils m’ont fait était excellent et gigantesque. Enfin, « servi de leçon », c’est bien vite dit.
Bushmills vs portraits
A force de discussions, un autre cas de figure peut se présenter : le portrait. Je n’excelle pas en portrait sobre, mais alors en fin de soirée c’est complètement aberrant.
Il y a quelques jours – et c’est l’événement qui m’a conduit à écrire cet article – je me retrouve en fin de soirée en terrasse d’un bar de mon quartier, à vingt minutes de la fermeture, quand Jésus arrive.
« Jésus », c’est un type connu de mon quartier, que l’on peut croiser régulièrement avec son chien (et sa bière). Je ne suis pas adepte de photos de gens dans le besoin, mais s’il l’est le contexte est différent : je l’ai déjà croisé une paire de fois et il m’a souvent demandé de le photographier avec son chien. « J’suis une star moi, y’a plein de photos de moi sur internet ». Lui plein d’humour, moi plein de bière et de la goutte de Bushmills de trop, on entame la séance nocturne de portraits.
Changement de poses, flash puis plus flash parce que ça déconne et je ne sais pas pourquoi, puis portraits de près, de loin, en contre-plongée, tout y passe.
Le résultat semble vraiment pas mal sur le moment, je demande l’avis d’un compère qui m’affirme que les photos, « elles tuent ! ».
Une dure nuit après, il est temps de trier les chefs-d’œuvre sur Lightroom. Comment puis-je encore être surpris de la catastrophe évidente ?
N’hésitez pas à cliquer sur l’image pour voir toutes les nuances et la qualité du shooting. D’ailleurs le lendemain, j’ai remarqué que mon appareil était verrouillé sur une compensation d’exposition de +3IL. J’aimerais savoir pourquoi la consommation de bière et de whisky me donne cette vision bizarre de la technique, mais je pense qu’il n’y a pas à chercher vraiment loin : ça ne rend pas spécialement intelligent, voilà tout.
Par contre ça donne pas mal d’idées, et parfois envie de faire de la photographie abstraite – ou abstraite a posteriori.
IPA vs perception du cadrage
Oui, bien sûr. Quand vous êtes en fin de soirée incapable de prononcer deux mots cohérents pour les autres, vous pouvez vite vous persuader que vous détenez le secret de la photographie artistique. Vous êtes universel et génial, alors vous pouvez tenter des choses presque mystiques.
Sur le moment, vous voyez des choses géniales, mais qui ne le sont pas. Exemple ci-dessus avec ce couloir de motel. Sur le moment je me souviens m’être dit que la règle des tiers mélangée à un centrage ça pouvait marcher – quoique n’importe quel mathématicien de primaire pourra me rétorquer que quelque chose ne peut pas être au milieu et sur le côté simultanément.
J’étais content de cette photo, il y avait de la recherche, je pensais tenir un truc mais pour tout vous avouer j’ai oublié ce que c’était, donc non faire une série artistique et créative après quelques verres de trop ce n’est pas une bonne idée du tout. Au mieux ça sera moyen, au pire vous en aurez oublié le concept, mais ça sera rarement le truc exact que vous aviez prévu.
Perrier & café
Quitte à être un peu triste, je dois bien avouer que Perrier et café sont de meilleurs alliés que rhum, gin, bière, tequila et cognac tout mélangés avant d’avoir des idées idiotes.
Je me sens un peu obligé de vous avertir, mais vous le savez déjà, que je ne suis affilié à aucune marque de boissons, et qu’il faut les consommer raisonnablement pour la santé, et comme vous l’avez vu pour éviter les désastres photographiques. Cheers, Kanpai, Santé.
3 commentaires
Ajouter les vôtresJ’adore tes articles et tes expériences que je peux, malheureusement, que confirmer !!!
Merci ! Oui, j’ai réessayé malencontreusement après avoir essayé et c’était encore un désastre !
[…] Lem, lequel fourmille d’idées les plus saugrenues comme celle, hilarante, de faire un test sur «la pratique de la photographie après le dernier verre» ! A lire […]